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Maria Gyemant
L'universalité du remplissement: Réflexions sur la référence des intentions de signification dans les Recherches logiques
Volume 6 (2010), Numéro 4, p. 1-27
Résumé: Le problème central des Recherches logiques est de déterminer le rapport entre deux types d’actes : les actes de signification et les actes d’intuition (perception et imagination), donc entre d’un part des actes dont les objets sont de l’ordre du langage et, d’autre part, les actes qui « accèdent » à la réalité, dans lesquels l’objet réel est présent lui-même. Ce rapport est introduit dans la Ire Recherche logique sous le nom de « remplissement » mais sa vraie nature deviendra claire seulement dans la VIe Recherche logique. Le remplissement sera alors la synthèse d’un acte de signification et d’un acte d’intuition visant un même objet. Ce modèle d’une intention vide qui se remplit par la suite pose cependant certains problèmes. Premièrement, les significations peuvent-elles jouer le rôle d’objets et, si oui, quelle est la nature de ceux-ci ? Deuxièmement, peut-on vraiment isoler des intentions de signification, dont l’objet ne serait ni réel (comme dans la perception) ni même possible (comme dans l’imagination), mais d’une tout autre nature ? Puisqu’une imagination peut aussi jouer le rôle d’intuition remplissante, toute intention de signification doit se remplir (aboutir à un objet réel ou, au moins, possible), sans quoi elle ne serait pas une signification du tout, elle n’aurait aucun sens. Enfin, si nous acceptons cette thèse de l’universalité du remplissement, ou au moins de sa possibilité, comment penser le cas des objets idéaux, dont le remplissement ne va pas de soi ?
Abstract: A central problem in Husserl’s Logical investigations is to determine what kind of relation holds between two types of act: the acts of meaning and the acts of intuition (perception and imagination). In other words, the problem is to specify the relation between acts whose objects are of linguistic nature and acts which provide “access” to reality, in which the real object “itself” is present. In the 1st Logical Investigation this relation is called “fulfillment,” but its nature becomes clear only in the 6th Investigation, where fulfillment is defined as the synthesis of two acts of meaning and intuition intending the same object. However, this model of an empty intention being fulfilled secondarily creates some problems. First, can meanings play the role of objects? If they can, what is the nature of such objects? Secondly, is it really possible to isolate meaning intentions, whose object is neither real (as in the case of perception) nor even possible (as in the case of imagination), but of an entirely different nature? Since imagination can function as a fulfilling intuition, every meaning intention must be fulfilled (i.e., reach a real or, at least, possible object). Otherwise such intention would not be a meaning, it would have no sense. Finally, if we accept the view that fulfilling—or at least its possibility—is universal, then how should we describe the case of ideal objects, whose fulfilling is far from being obvious?
Mots-clefs: meaning, language.